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Beaux Quartiers - Automne 2015
RENCONTRE
n
artiste
ans une pièce irradiée de lumière, un jeune homme
gît à terre entre les pieds d'un lit ou d'une table
métallique. Est-ce la blancheur clinique, la froideur
du mobilier design standardisé ou bien ce cadrage
oblique ? On éprouve un léger trouble devant la
toile, comme si tout pouvait basculer d'un coup, du
blanc au noir.
Jean-Pierre Ardito – qui signe tout simplement Ardito – peint d'après
photos des scènes de la vie domestique contemporaine, avec un indéniable
sens de la tension cinématographique.
Ce tableau lumineux, qui ouvrait sa dernière exposition au Belvédère
à Saint-Martin-d'Uriage en mai dernier, fait d'ailleurs partie de sa
Série
blanche
, comme le négatif de la célèbre collection de romans noirs. Rouge
orangé des chaises en Formica, bleu jean, fondus de gris...
Éclaboussés par une lumière aveuglante, les objets ordinaires, réduits à
des aplats géométriques, se parent de reflets chatoyants, jusqu'à se fondre
et disparaître dans l'abstraction de la toile vierge, sans châssis.
Le peintre grenoblois nous fait pénétrer dans ces
home sweet home
,
aseptisés et fonctionnels, semblables à ceux que nous vendent à longueur
de page les catalogues Ikea – l'ouvrage le plus diffusé au monde après la
Bible et le Petit Livre rouge –, où il fait toujours beau, où tout paraît
toujours neuf... À l'image de cet atelier impeccablement rangé où il nous
reçoit aujourd'hui, en plein cœur du quartier Saint-Bruno, en rez-de-
jardin de la maison de ville qu'il a fait construire il y a quatre ans, pour
s'y installer avec sa famille.
Rêves à vendre
Pour trouver son inspiration, ce fils d'immigrés italiens, qui ne cesse
de dessiner depuis l'enfance, n'a pas eu besoin de chercher bien loin.
Les slogans des hypermarchés, et leurs catalogues richement illustrés, ont
souvent nourri son imaginaire. Rentrée des classes, Semaine italienne,
Semaine du vin, du blanc…
« Mille et un rêves à portée de tous, notre vie
est désormais scandée par ces événements commerciaux »
, constate-t-il. Ces
diktats de la grande distribution, il les détourne de façon hyperréaliste
dans des réclames pour ballons, jeux de quilles, bâtonnets de glace "big
choc" ou autres bières, peintes sur bois : avec leurs couleurs pop art,
ses produits ont l'air plus vrais que nature. Seuls les prix (1 564 euros
le pack de glaces !) nous interrogent sur la valeur réelle de ces objets
standardisés.
Cette recherche sur la publicité trouve son aboutissement dans sa
série de
Maisons à vendre
qu'il entame en 2009. Car le Graal, dans la
quête du bonheur consumériste, c'est bien l'accession à la propriété d'une
maison individuelle. Ardito, qui a épluché les annonces des agences
immobilières, a fini par trouver le modèle idéal et a découpé des
Huile sur toile sans châssis, 50 x 65 cm, 2014.
Huile sur toile, 150 x 150 cm, 2014.
Huile sur toile, 100 x 100 cm, 2013.
Huile sur toile, 95 x 95 cm, 2015.
Huile sur toile, 46 x 38 cm, 2015.
Huile sur toile, 40 x 60 cm, 2015.
Toutes les œuvres ici présentées sont intitulées « Sans titre ».
PhotosS © David Richalet
